L’asile aux Etats-Unis réduite comme peau de chagrin

Des juristes américains reviennent sur les différentes étapes du droit d’asile aux Etats-Unis et montrent comment l’administration Trump a monté un mur juridique contre les demandeurs d’asile.

Même s’il n’est plus président, Donald Trump a marqué durablement le domaine du droit d’asile aux Etats-Unis en montant un véritable maillage juridique contre les migrants qu’il ne sera pas aisé de détricoter. Le décryptage de ces nouvelles réglementations est au cœur du livre de trois juristes, Andrew I. Schoenholtz, Jaya Ramji-Nogales et Philip G. Schrag, paru aux éditions Georgetown University Press, non traduit en français. En promettant à ses électeurs de les « protéger » contre les migrants venus traverser illégalement la frontière, Donald Trump s’est différencié de ses prédécesseurs par la sévérité de sa politique et la brutalité du traitement des migrants. On se souvient des images d’enfants séparés de leurs parents. En plus du mur physique promis, Trump a mis en place un mur juridique pour entraver les demandes d’asile dans son pays. Parmi les changements drastiques opérés sous Trump, les auteurs soulignent les multiples procédures. Par exemple, en accélérant le traitement des dossiers et l’expulsion des demandeurs, il est alors plus difficile pour ces derniers d’obtenir des conseils juridiques professionnels pour faire leur demande. Le dépôt même des demandes est rendu difficile. Une bureaucratisation numérique à outrance a été mise en place pour empêcher le dépôt des demandes. En octobre 2019, le site web de l’USCIS (United States Citizenship and Immigration Services) sur lequel les étrangers font leur demande de carte verte a été mis à jour pour rejeter les déclarations où il restait un champ vide. Le site refusait par exemple les déclarations quand le candidat avait laissé en blanc le champ pour un deuxième prénom, plutôt que d’écrire « N/A ».

L’administration Trump a pris plusieurs mesures pour rendre plus difficile la gestion des dossiers par les juges et, par conséquent, pour les demandeurs d’asile d’obtenir réparation devant le tribunal de l’immigration. Le temps d’étude des dossiers et le temps de l’audience ont été réduits. L’évolution professionnelle même des juges a été retoquée afin qu’ils abattent un maximum de dossiers s’ils veulent évoluer professionnellement. Pour obtenir une évaluation professionnelle satisfaisante, le juge doit résoudre au moins 700 affaires par an. Cette politique a transformé les tribunaux de l’immigration en «justice à la chaîne».

Parmi les restrictions, l’administration a réduit les motifs d’asile, comme les violences faites aux femmes victimes de persécution d’un conjoint ou d’un membre d’un gang. Les menaces de mort ne sont plus considérées comme de la persécution. Plus grave, la torture par un agent public n’est pas de la torture. « La nouvelle règle distingue les fonctionnaires tortionnaires en deux catégories : ceux qui agissent “sous couvert de la loi” et ceux qui ne le sont pas. La torture exercée par la deuxième catégorie n’est plus considérée comme de la torture. » Par conséquent, une personne craignant d’être torturée par un fonctionnaire de police, si elle ne peut pas prouver qu’il agissait “sous couvert de la loi”, elle ne sera pas protégée.

Et entre autre dérive de l’administration : les informations sur le demandeur d’asile ne sont plus confidentielles et peuvent être divulguées, le mettant lui et sa famille en danger.

En plus de détailler les travers des mesures apportées par Trump, l’ouvrage fait le bilan des dispositifs précédant la mandature du 45e président des Etats-Unis, qui a glissé avec les années vers une « dépolitisation » de l’asile. Les contraintes au droit d’asile ne sont pas l’apanage de l’ère Trump. Sous l’administration Reagan, président de 1981 à 1989, le concept de « migrants économiques » a été introduit dans la politique américaine pour invalider les demandes de certains demandeurs d’asile.

Parmi les transformations majeures de l’ère Reagan et de celle de Bush figure la bureaucratisation de l’Immigration Naturalization Service (INS) dans les années 1990, notamment avec la création de l’Asylum Office et la formation et l’embauche d’agents. Cette professionnalisation a dépolitisé la mise en œuvre de l’asile en en faisant un processus administratif et non plus  politique.

A lire :

The End of AsylumSchrag, Philip G.; Schoenholtz, Andrew I.; Ramji-Nogales, Jaya. Ed. Georgetown University Press, anglais (E-U), mai 2021, 14,27 euros.