L’ONU va enquêter sur les violations des droits des mineurs non accompagnés en France

A la demande de plusieurs associations françaises, l’ONU va enquêter sur la violation des droits des mineurs non accompagnés sans pour autant communiquer sur ses investigations.

En avril dernier, le Cofrade, qui fédère cinquante-trois associations et dont l’objectif est de veiller aux droits de l’enfant, a annoncé que le comité des droits de l’enfant de l’ONU allait ouvrir une enquête en France sur la violation des droits des mineurs non accompagnés. Plus d’un an après la saisine du comité des droits de l’enfant, les associations obtiennent une première victoire. L’ONU va pouvoir enfin enquêter sur les allégations de violations graves des droits des mineurs non accompagnés en France. Même si pour l’heure aucune information sur la durée et la période de l’enquête n’a été divulguée : « Pendant un an, nous n’avons obtenu aucune réponse à notre demande et en avril notre avocate a reçu un mail d’accusé de réception », raconte Arthur Melon du Cofrade.

Le 7 janvier 2016, la France ratifiait le Protocole facultatif Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 20 novembre 2014 le «Troisième Protocole» qui prévoit en ses articles 13 et 14 une procédure d’enquête en cas de violations graves ou systématiques par un État partie des droits énoncés dans la Convention et ses protocoles facultatifs. De plus, la France n’a fait aucune déclaration en vertu de l’article 7 dudit protocole limitant les mécanismes d’enquête du comité.

Enquête confidentielle

Avec l’annonce de cette enquête, « nous avons franchi une étape essentielle », explique Armelle Le Bigot-Macaux, présidente du Cofrade dans les colonnes d’Enfance & Jeunesse Infos. Mais, il est important de souligner que « rien n’est gagné d’avance, puisqu’il faudra encore espérer que le futur gouvernement coopère de manière volontaire et transparente pour faire toute la lumière sur la situation alarmante de ces enfants ». A cet effet, soulignons que le protocole facultatif prévoit que « l’enquête se déroule dans la confidentialité et les éléments de l’enquête ne seront pas partagés avec les associations requérantes », et que l’Etat français est simplement « sollicité à tous les stades de la procédure ». Même si la France n’est pas tenue d’accepter cette mission d’enquête sur son territoire, il s’agit quand même d’une décision contraignante pour elle car l’enquête sera menée.

Faire reconnaître la responsabilité de la France

En saisissant le comité des Nations Unies sur les droits de l’enfant, ces différentes associations entendaient faire reconnaitre la responsabilité de la France pour violation des droits des mineurs non accompagnés. Dans un contexte où la politique française d’accueil des mineurs non accompagnés est décriée de tout part. Pour preuve, en février 2022, Claire Hédon, la défenseuse des droits avait rendu un rapport sévère dénonçant la mauvaise prise en charge des mineurs non accompagnés et avait formulé 32 recommandations afin de «faire progresser l’effectivité des droits» pour ces mineurs.

Du point de vue du droit

Réalisée par les avocates Camille Oberkampf et Delphine Mahé, la saisine de l’ONU par les associations sur les violations graves et systématiques par la France de la Convention de 1990 sur les droits de l’enfant découle de deux problématiques majeures selon le rapport :

– Le déni de minorité dont sont victimes une grande partie de ces personnes et qui non seulement leur ferme tout accès au dispositif de protection de l’enfance de droit commun, mais également le refus de mettre ces mineurs à l’abris avant l’évaluation de leur minorité. Ils sont généralement logés dans un hôtel social, sans aucun suivi, éducatif ou prise en charge adaptée. Ces pratiques constituent des violations du principe de protection inconditionnelle de l’enfance prévu aux articles 3, 6, 19, 20, 27, et 34 à 36 de la Convention.

L’inégalité de traitement des mineurs non accompagnés sur le territoire en fonction des départements d’accueil et de prise en charge. Des pratiques qui constituent une violation du principe de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant prévu par l’article 3 de la Convention.

Dans la plupart des cas, la prise en charge de la santé de ces enfants n’est pas systématique ou quasi inexistante. Souvent, ils font l’objet de mesures de rétention malgré l’annonce de leur minorité. Toutes les informations collectées lors des recherches menées par les Requérantes amènent à constater que les violations de la Convention commises par l’État français sont graves, au sens de l’article 13 du Protocole additionnel.

Selon le Défenseur des droits, le 10 décembre 2021, 10486 mineurs non accompagnés ont intégré son dispositif. Un chiffre inférieur à la réalité selon les associations mais dont le point commun est la grande précarité et vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent en France.

Jude-Vianney Kitty
Doctorant en droit international public, Université de Caen

Le recours aux articles de loi

Il est à noter que le Code du travail ou le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) peuvent fournir quelques arguments de prise en charge.

• Une carte de séjour temporaire 

L’article L313-11 du CESEDA prévoit :

« Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ‘vie privée et familiale’ est délivrée de plein droit : … 2o bis [à] l’étranger dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l’article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigée […] »

• Une autorisation de travail accordée de droit 

L’article L5221-5 du code du travail prévoit :

« Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de travail mentionnée au 2° de l’article L. 5221-2.

L’autorisation de travail est accordée de droit à l’étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. Cette autorisation est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, sous réserve de la présentation d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation

• L’instruction obligatoire

Aux termes de l’article L.111-2 du code de l’éducation : « Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation ». L’article L. 131-1 du même code insiste sur le fait que : «l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans». Enfin, l’article L.122-2 du code de l’éducation prévoit que « Tout mineur dispose du droit de poursuivre sa scolarité au-delà de l’âge de seize ans. »