Quelles propositions pour l’immigration ?

Un rapport très critique sur la politique d’accueil des migrants en France a été publié par une commission parlementaire. Même si les préconisations risquent peu d’être suivies par l’exécutif, elles fournissent quelques pistes à suivre.

A juste titre, l’incipit de la commission d’enquête parlementaire du 16 novembre sur l’immigration présidé par Sébastien Nadot (Mouvement des progressistes, ancien de LREM) et la rapporteuse Sonia Krimi (LREM) cite Molière : « C’eût été y prendre part que de ne pas s’y opposer ». Les parlementaires ne cachent pas leur colère contre la tendance politique d’instrumentaliser les migrants à tout-va, faute de projet politique. La France perd le Nord, nous disent-ils. « Elle ne sait pas, elle ne sait plus, quelle est sa place dans le monde. Même, les droits de l’enfance sont écornés dans notre pays dès qu’il s’agit de ceux des étrangers. » Manque d’humanité, inefficacité, mensonge, maltraitance, l’État n’est pas à la hauteur des enjeux.

« Contrairement à ce que laisse croire les débats publics, les migrations ne sont pas un phénomène transitoire, appelé à se tarir pour peu qu’un gouvernement parvienne à le traiter “avec fermeté“. » En 2015-2016, il y avait près de 260 millions de migrants dans le monde, soit 3,5 % de la population mondiale. Au début du XXe siècle, il y avait 5% de migrants dans le monde. Actuellement, les étrangers, qui traversent illégalement les frontières, ceux-là même qui attirent l’attention des chaînes de télévision en continu, concernent 150000 personnes par an, soit 0,03 % de la population de l’Union européenne dans son ensemble. Ces données devraient permettre de relativiser mais notre époque n’est pas à la mesure.

La majorité des migrants sont des migrantes

En Europe, la réalité des migrations n’est pas rapportée dans le champ médiatico-politique telle qu’elle existe. Les principaux pays de départ sont ceux des Balkans (Roumanie, Bulgarie, Kosovo, Serbie), où en moyenne 22 % de la population vit à l’étranger, soit un taux d’émigration parmi les plus élevés au monde. Ils constituent le flux principal en Europe. Nous sommes loin de la représentation de l’archétype du migrant : un homme jeune, venu d’Afrique ou du Maghreb, parti pour Europe fuyant la pauvreté. Les données vont à rebours de la doxa actuelle. La majorité des migrants sont des migrantes. Le niveau d’étude de ces femmes est supérieur à la moyenne du pays de départ mais également du pays d’arrivée.

Aussi, dénonce le rapport, tandis que l’asile concentre toutes les critiques, les primo-arrivants sont en majorité des étudiants et des étudiantes.

La France devrait délivrer 219302 premiers titres de séjour en 2021 – tout motif d’admission réuni, sur une population de 67,4 millions d’habitants, ce qui représente 0,3 % de la population. À titre de comparaison, l’Allemagne a délivré 460000 autorisations de séjour en 2019 et le Royaume-Uni 450000 avant le Brexit.

La France accueille 90000 étudiants chaque année contre environ 250000 pour le Royaume-Uni.

La migration familiale concerne environ 90000 arrivants. Ce type de migration n’est pas transitoire. Elle résulte du fait que des Français se marient ou vivent avec des personnes de nationalité étrangère et qu’ils peuvent choisir de vivre en France.

Avec 36000 titres délivrés en 2019, les titres humanitaires restent minoritaires parmi les motifs d’entrée sur le territoire, bien que ce soient ces entrées qui cristallisent le plus le débat public.

Parmi les propositions, certaines offrent quelques perspectives et vont à rebours des lieux communs sur l’immigration. La commission prend le parti de créer des voies légales de l’immigration, de rompre avec la gestion policière des migrants et de revenir à une gestion interministérielle, élargir la prise en charge de santé, en finir avec le règlement de Dublin…

Quelques propositions

– Sous présidence française de l’Union européenne dès janvier 2022, créer une Agence de l’asile européen qui aura la capacité de se prononcer sur des demandes d’asile. Un véritable service de l’asile européen aura l’avantage de mettre un terme aux transferts Dublin.

– Moderniser le contrat d’intégration républicaine (CIR) pour renforcer l’accès à l’emploi, tenant compte des compétences et des qualifications des étrangers primo-arrivants et en mettant l’accent sur les formations linguistiques à visée professionnelle.

Transformer la DIAIR (Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés) en Haut-commissariat placé auprès du Premier ministre, associant l’ensemble des acteurs ministériels (principalement l’intérieur, des affaires étrangères, du travail, du logement et de la santé), les acteurs locaux, associatifs et les entreprises.

Une alternative systématique à la prise des rendez‑vous dématérialisée en préfecture, mais cela ne peut pas se faire sans débloquer les moyens budgétaires conséquents puisque comme le montre le rapport malgré des embauches les préfectures sont encore en sous effectifs.

Renforcer la détection et la prise en charge des troubles psychiques. Prévoir un bilan de santé initial pour tous les étrangers primo-arrivants en situation régulière ; pour ceux en situation irrégulière, proposer une visite médicale lors du retrait de la carte de bénéficiaire de l’AME.

Créer des voies de migration légale pour fluidifier les déplacements et réduire le pouvoir des mafias de passeurs.

Sortir de la relation bilatérale franco-britannique et négocier un accord global entre l’Union européenne et le Royaume-Uni avec une participation financière accrue du pays de destination.

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