« Sans rendez-vous en préfecture, les étrangers se retrouvent dans l’illégalité »

Pierre-Yvain Arnaud, adjoint au maire dans le XVIIIe arrondissement de Paris, chargé des solidarités et de l’hébergement d'urgence, interpelle la préfecture de Paris sur les étrangers régularisés ou non, qui ne peuvent plus avoir accès aux services de la préfecture afin de demander leur titre de séjour.

Dans un vœu au Conseil municipal, vous interpelez la préfecture sur le manque de rendez-vous alloués aux étrangers. Concrètement, quels problèmes les étrangers rencontrent-ils avec la préfecture ?
Pierre-Yvain Arnaud.
Pour se faire régulariser ou pour faire renouveler son titre de séjour, il faut un rendez-vous en préfecture pour déposer son dossier. L’accès à ces demandes de rendez-vous se fait sur une plateforme numérique et… il n’y a pas de rendez-vous. Le site de l’association d’aide aux migrants La Cimade montre qu’un grand nombre de ces rendez-vous sont inaccessibles. Sans ces démarches-là, les étrangers se retrouvent dans l’illégalité. C’est ça qui m’a beaucoup choqué, l’État fabrique sa propre illégalité. Et ce qui m’a frappé, ce sont les gens, qui ont déjà un titre de séjour, et qui n’arrivent pas à le faire renouveler. Du coup, ils perdent leur travail, pour le logement ça devient problématique, ils craignent de se faire arrêter dans la rue par la police. On fabrique de l’illégalité pour les premiers demandeurs de titre de séjour, et on plonge dans l’illégalité des étrangers intégrés. On en vient à un verrouillage ubuesque pour des gens qui sont bien installés sur le territoire français.

Quelle est l’ampleur du problème ?
Pierre-Yvain Arnaud. Dès le début de mon mandat, les associations m’ont parlé des problèmes de rendez-vous et de la question de la dématérialisation des procédures en préfecture. Des habitants aussi par courrier m’ont fait part de leurs difficultés, et par des amis, des connaissances aussi. Toutes les structures associatives m’ont évoqué ce problème, il n’y a pas un seul acteur du domaine de la domiciliation, de l’aide alimentaire, et de l’accès aux droits qui ne m’en a pas parlé. Ce n’est pas une question annexe pour les habitants de Paris.

En tant qu’élu comment allez-vous agir ?
Pierre-Yvain Arnaud. L’idée ce n’est pas d’écrire à la préfecture pour recevoir un courrier administratif qui nous dit que tout va bien et que la préfecture s’en occupe. L’idée est de porter un vœu au Conseil de Paris et d’interpeler directement le préfet lui-même en séance puisqu’il assiste au Conseil. Quand le préfet est interpelé sur une question, qui est de son ressort, il doit répondre. Mon but est qu’il y ait une parole publique sur le sujet en séance afin que les élus puissent l’interroger sur la question.

Y a-t-il des solutions ?
Pierre-Yvain Arnaud. Il est possible de saisir le tribunal administratif afin d’obtenir un rendez-vous, ce qui est absurde. L’État attaque l’État sur sa propre gestion. La défenseuse des droits a régulièrement interpelé les préfets sur cette question. Toutes les jurisprudences, les recours déposés par les avocats passent. Cela coûte cher à l’État. Au lieu d’accueillir les gens dignement, on les met dans des situations folles, on dépense énormément d’argent avec des dispositifs d’urgence. Cette folie de la politique migratoire française coûte cher. Ce serait beaucoup plus simple de laisser les gens travailler, cela améliorerait la vie de tout le monde. Une manière d’interpréter politiquement cette situation, c’est que l’État crée cette pénurie.

Pensez-vous que c’est volontaire ou juste de l’incompétence ?
Pierre-Yvain Arnaud. C’est la question que j’ai posé à mon groupe politique. J’ai même hésité à le mettre dans le vœu et j’ai demandé aux groupes PC, écologiste et même au PS et tout le monde est d’accord, ce n’est pas de l’incompétence. C’est de la politique. Le vœu prend sens en ce moment parce qu’il y a une course à l’extrême droite de tous les partis et notamment du parti présidentiel. Il montre qu’ils bloquent les étrangers. Ce n’est pas de l’incompétence. C’est un signe envoyé aux autres. Ce que fait ou ne fait pas l’administration, c’est choisi. Quand on empêche des gens d’avoir accès à un droit, c’est plus que de l’incompétence. C’est une stratégie politique. Et là, il faut le dénoncer. Il faut que la population prenne conscience de ce qui se passe.

Propos recueillis par Enrica Sartori

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