Sauve qui peut la vie

Tonino Benacquista, le célèbre écrivain (La Commedia des ratés, Malavita) et scénariste (Sur mes lèvres, De battre mon cœur s’est arrêté), raconte dans Porca Miseria pour la première fois ses mémoires de fils d’immigrés italiens.

Au croisement de la rue de la Gaité et de la rue de l’Entente à Vitry-sur-Seine en banlieue parisienne, une petite cour donnait accès à un bâtiment biscornu. C’était à cette adresse que vivait la famille Benacquista, venue s’installer en France en 1954. C’était du temps où la France et l’Italie faisaient des accords bilatéraux afin d’attirer en masse des Italiens pour travailler dans l’industrie ou les mines. Les parents de Tonino, Cesare et Elena, devaient être de ceux-là. Ils occupaient une petite place dans un pays dont ils n’avaient pas toutes les clefs. Leurs enfants faisaient le relais. Dès qu’ils furent en âge d’écrire, les enfants s’occupaient des démarches administratives : les cartes de séjour à la préfecture, les passeports au consulat… Malgré des papiers en règle, un travail déclaré, des voisins bienveillants, ses parents ne se débarrassaient pas de leur intranquillité, « celle du clandestin, comme si au fond d’eux même leur admission ici n’était jamais allée de soi. »

La famille entière de six personnes vivait sur le salaire du père ouvrier payé chaque vendredi en liquide. On n’y était pas très heureux chez eux, on maudissait, on buvait, on jurait. Porca Miseria ! Le petit dernier, Tonino, qui est devenu un auteur et un scénariste à succès, rend hommage à sa famille avec ce beau récit autobiographique. Il raconte ce petit monde aux valeurs inversées: sa mère lui conseillait le manque d’audace. Il fallait se faire discret. Mais le garçon trouve sa place et se prend de passion pour l’écriture. Il détaille comment il a fait l’apprentissage de la littérature en autodidacte. « Faute de réparer, écrire c’est rétablir », dit-il.

Enrica Sartori

A lire : Porca Miseria, Tonino Benacquista, éd. Gallimard, 208 pages, 17 euros

“ Malgré eux ils nous lèguent ce sourd sentiment d'usurpation ; nous nous interrogeons sur le bien-fondé de nos besoins, de nos désirs, et appréhendons le bon déroulement d'une démarche administrative qui pourrait par un effet pervers se retourner contre nous, comme si nous étions perpétuellement à la merci d'un coup de tampon.

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